LettreHenri Poincaré à Eugénie Poincaré - décembre 1876

[Décembre 1876]

M c m [Ma chère maman],

L’oncle Antoni est parti ce matin pour Bar le Duc emportant une tonne d’étrennes pour les membres les plus importants de la société barisienne. Mercredi j’ai dîné avec lui au Caron1 et à peine étions-nous installés qu’un monsieur à barbe noire lui dit Eh bonjour M. Poincaré et l’empoigne sans plus tarder sur la philologie meusienne et les différents travaux de la société scientifique de Bar sur cette question2. Quand il est parti, mon oncle me dit que c’est André Theuriet, qui écrit dans la Revue des deux mondes. Ah la fortune d’Angèle, parfaitement3.

Après cela il est allé à Paul et Virginie4. Raymond est sorti hier pour se faire dentifricer et il a profité de l’occasion pour aller à une matinée de l’Op Com. [Opéra comique] où il a entendu la Demoiselle à Marier et la Joie fait Peur5.

Hier j’ai dîné chez la cousine ; rien de particulier ; je crois qu’il me sera plus facile de manquer le 2 et le 3 que le 29 et le 30 ; à moins qu’on ne nous donne le 30 ce qui est possible.

Albert6 doit venir la veille de Noël, Raymond doit découcher.

Que dit le Progrès du discours Bernard7 ?

 


  1. Poincaré faisait peut-être référence à un hôtel restaurant situé rue Vieille-du-Temple dans le 4e arrondissement de Paris. À cette époque c’était une pension modeste qui louait des chambres à l’année.

  2. La Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc. Antonin Poincaré en était membre titulaire.

  3. André Theuriet était un romancier et un poète originaire de Bar-le-Duc.

  4. Il s’agit d’une adaptation en opéra du roman éponyme de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre. Elle avait été créée au Théâtre de la Gaîté en novembre 1876, sur une musique originale de Victor Massé et avec un livret de Michel Carré.

  5. La demoiselle à marier, ou, la première entrevue était une comédie vaudeville en un acte d’Eugène Scribe. Elle avait été créée en 1826 au Théâtre du Gymnase dramatique. La version de la pièce à laquelle Poincaré faisait référence dans cette lettre avait été créée au Théâtre de l’Odéon en mai 1875.

  6. Albert Gille.

  7. Poincaré faisait sans doute référence à un discours d’Auguste Bernard repris dans la presse régionale, en l’occurrence le Progrès de l’Est. Auguste Bernard avait fait des études de droit et avait ouvert un cabinet d’avocat à Nancy. D’abord membre du Conseil de l’Ordre des avocats puis bâtonnier, il termina sa carrière comme conseiller à la Cour de Cassation. Élevé dans un milieu royaliste et conservateur, il adhéra sans réticences au régime bonapartiste. Cependant dans les années 1860 il devait évoluer vers le centre gauche et se rallier aux républicains conservateurs. Il fit partie du conseil municipal de Nancy durant près de 25 ans et occupa les fonctions d’adjoint au maire de 1852 à 1857 ainsi que durant la guerre de 1870. Originaire de Château-Salins – ville annexée à l’Allemagne – il opta pour la France et fut nommé maire de Nancy en 1872 : partisan convaincu d’Adolphe Thiers, apprécié de la population, il eut à gérer les rapports avec les troupes d’occupation jusqu’à leur départ en 1873 et à faire face à l’arrivée massive des optants alsaciens et lorrains. Il fut élu sénateur de Meurthe-et-Moselle en 1876 puis réélu en 1879. La famille Poincaré était, semble-t-il, très proche d’Auguste BernardLéon Poincaré était lui-même conseiller municipal durant la guerre – et elle bénéficia largement de son influence politique à plusieurs reprises, notamment lorsque Poincaré fut pressenti pour un poste d’ingénieur des mines en Algérie en 1879 [L. Rollet 2010a] ou lorsqu’il chercha à obtenir une position universitaire à Paris en 1880-1881. Par ailleurs, le fils d’Auguste Bernard, Maurice Bernard – également avocat – devait devenir un ami intime de Raymond Poincaré. Pour plus de détails sur son parcours on consultera [A. Robert & G. Cougny 1890-1891] ainsi que [F. Roth 2006].

Titre
Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - décembre 1876
Incipit
L'oncle Antoni est parti ce matin pour Bar le Duc ...
Date
1876-12
Identifiant
L0268
Adresse
Nancy
Lieu
Paris
Sujet
fr Visites familiales et amicales
fr Théâtre et opéra
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Lettre autographe
Section (dans le livre)
4
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
2
Numéro
268
Langue
fr
Éditeur
Archives Henri Poincaré
Laurent Rollet
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - décembre 1876 ». La Correspondance De Jeunesse d’Henri Poincaré : Les années De Formation, De l’École Polytechnique à l’École Des Mines (1873-1878). Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 29 mars 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/13940