LettreSchlesinger : Texte d’une note non-publiée envoyée à Poincaré en 1904 (annexe du tome entre Poincaré et les mathématiciens)

Sur une solution nouvelle et générale du problème de Riemann.1

Par M. L. Schlesinger

En conservant les notations de ma Note précédente je vais considérer le problème de Riemann, déterminé par les affixes des points singuliers \(a_1,\cdots,a_\sigma\) et par les substitutions \(\left(A_{ik}{(\nu)}\right)\) \((\nu=1,2,\cdots,\sigma)\) données arbitrairement. Pour me débarrasser des complications algébriques qui ne touchent pas les principes de la méthode que je vais indiquer, je supposerai que les équations fondamentales \[\vert A_{ik}{(\nu)}-\delta_{ik}\omega\vert =0 \; (\nu=1,2,\cdots,\sigma)\\ (i,k=1,2,\cdots,n) \label{equa:1}\] n’aient pas de racines multiples ; soient \(\omega_{1}^{(\nu)},\cdots,\omega_{n}^{(\nu)}\) les racines de l’équation ([equa:1]).

On peut former une équation de la forme (3) (v. note précédente) de manière que les racines des équations déterminantes (4) (ibid.) soient <2> précisément les quantités \[r_k^{\nu}=\frac{\log \omega_k^{(\nu)}}{2\pi \sqrt{-1}} \; (k=1,2,\cdots,n),\]

ce qu’impose aux \(n^2\sigma\) quantités \(\mathcal{B}_{ik}^{(\nu)}\;n\sigma\) conditions ; les \((n^2-n)\sigma\) quantités restant encore arbitraires, pourront être mises en évidence de la manière suivante. Choisissons ces \((n^2-n)\sigma\) quantités d’une manière arbitraire mais déterminée et soient \((b_{ik}^{(\nu)})\), \(\sigma\) matrices constantes à déterminants différents de zéro. Alors la matrice \((b_{ik}^{(\nu)})(\mathcal{B}_{ik}^{(\nu)}(b_{ik}^{(\nu)})^{-1}\) est la plus générale dont l’équation fondamentale à pour racines les \(r_k^{\nu}\), et elle dépende encore de \(n^2-n\) constantes parfaitement arbitraires, que nous désignerons par \(b_1^{(\nu)},\ldots,b_{n^2-n}^{(\nu)}\).

La matrice intégrale \[(z_{ik})=\int_{x_0}^x\left(\Sigma_{\nu=1}^\sigma \frac{\mathcal{B}_ik^(\nu)}{x-r_\nu(??)}\right)\] subit des substitutions bien déterminées \(\left(\mathcal{M}_{ik}^{(\nu)}\right)\), si la variable a franchit les coupures \(l_\nu\), et les équations fondamentales de ces substitutions ont pour racines les \(\omega_k^{(\nu)}\). De même la matrice intégrale \[(\zeta_{ik})=\int_{x_0}^{x} \Sigma_{\lambda=1}^{\sigma} \left(b_{ik}^{(\lambda)}\right) \left(\frac{\mathcal{B}_{ik}^{(\lambda)} } { x-r_\lambda(??)}\right)\left(b_{ik}^{(\lambda)}\right)^{-1}\] subira des substitutions, dont les équations fondamentales auront les mêmes racines \(\omega_k^{(\nu)}\), ces substitutions <2> pourront être mises sous la forme \[(\beta_ik^{(\nu)})(\mathcal{M}_ik^(\nu)(\beta_ik^{(\nu)})^{-1} \; (\nu=1,2,\cdots,\sigma) \label{equa:4}\] En considérant les \((\beta_{ik}^{(\nu)})\) comme des matrices constantes arbitraires aux déterminants différent de zéro, les matrices ([equa:4]) représenterons les matrices les plus générales, dont les équations fondamentales ont pour racines les \(\omega_k^{(\nu)}\), et la matrice ([equa:4]) dépendra encore de \(n^2-n\) constantes arbitraires, que nous désignerons par \(\beta_1^{(\nu)},\cdots,\beta_{n^2-n}^{(\nu)}\).
Considérons la multiplicité \(\mathcal{M}\) des \(\sigma(n^2-n)\) quantités \(b_k^{(\nu)}\) et la multiplicité \(\mathfrak{M}\) des \(\sigma(n^2-n)\) quantités \(\beta_k^{(\nu)}\) \((k=1,2,\cdots,n^2-n)\). À chaque point \(m\) de \(\mathcal{M}\) il corresponde un point \(y\) et un seul de \(\mathfrak{M}\) et d’après le théorème de M. Poincaré mentionné dans la note précédente, les coordonnées de \(y\) sont des fonctions entières des coordonnées de \(m\). D’ailleurs, d’après le théorème que nous avons énoncé l.c., à aucun point de \(\mathfrak{M}\) ne peut correspondre plus d’un point de \(\mathcal{M}\). Comme les \(b_k^{(\nu)}\) sont parfaitement arbitraires, la multiplicité \(\mathcal{M}\) est une multiplicité fermée ne présentant pas de bord ; il s’en suit donc, d’après le principe <3> de la méthode de continuité établie par M. Poincaré (Acta Mathem. IV, p. 234), qu’à tout point de \(\mathfrak{M}\) corresponde un point de \(\mathcal{M}\). Il existe donc toujours un système différentiel aux coefficients \[\Sigma_{\nu=1}^\sigma \left(b_{ik}^{(\nu)}\right) \left(\frac{\mathcal{B}_{ik}^{(\nu)} } {x-r_\nu(??)}\right)\left(b_{ik}^{(\nu)}\right)^{-1}\] dont la matrice intégrale (3) subit les substitutions (4), quelque soient les matrices transformantes \(\left(\beta_{ik}^{(nu)}\right)\). Comme les substitutions données \(\left(A_{ik}^{(\nu)}\right)\) pourront être mises sous la forme (4), l’existence des fonctions, satisfaisant au problème de Riemann se trouve démontrée.


Apparat critique

  1. Cette note est l’une des deux qui accompagnaient la lettre [Schlesinger19040414] du 14 avril 1904 (p. ). Au contraire de (Schlesinger 1904), elle ne sera pas publiée. En 1908, Schlesinger (1908) publie un article dans Acta Mathematica dans lequel il reprend l’ensemble de ses travaux sur le problème de Riemann dont une partie de cette note :

    [ProbRiemann]En poursuivant les recherches que Riemann a touchées dans son mémoire posthume sur la théorie des équations linéaires, la première tâche que j’avais à remplir était de démontrer l’existence d’un système de \(n\) fonctions d’une variable \(x\) jouissant des propriétés suivantes. Ces fonctions sont holomorphes pour chaque valeur finie de \(x\), à l’exception de \(\sigma\) points données arbitrairement \(a_1,\,\ldots\,a_{\sigma}\) et dans ces points singuliers mêmes, aussi bien que pour \(x\,=\,\infty\), elles ne sont pas déterminées (au sens de Fuchs). Quand \(x\) franchit les coupures (\(a_{\nu}\infty\)) les dites fonctions subissent des substitutions linéaires arbitrairement données \[\begin{array}{l}\;\;\mathcal{U}_{\nu}\,=\, \left( \mathcal{U}_{ik}^{(\nu)}\right) \qquad \left(\nu\,=\,1,\,2\,\ldots\,,\,\sigma\right)\\ \left(i,\,k\, =\,1,\,\ldots\,n\right) \end{array}\] Le problème de déterminer un tel système, que j’avais nommé le problème de Riemann, a été résolu par moi en 1898 pour le cas particulier où les racines des équations fondamentales, relatives aux substitutions \(\mathcal{U}_1,\,\ldots\,,\,\mathcal{U}_{\sigma}\) et à la substitution \[\mathcal{U}_{\sigma + 1}\,=\,\mathcal{U}_{1}^{-1}\,\ldots\,\mathcal{U}_{\sigma}^{-1}\] ont pour module l’unité, à l’aide des fonctions zéta-fuchsiennes de M. Poincaré. Pour le cas général où ces modules diffèrent de l’unité, l’application des séries zétafuchsiennes devient impossible, puisque dans ce cas, ces séries sont divergentes. Plus tard, je réussis à démontrer l’existence des fonctions satisfaisant au problème de Riemann en appliquant la méthode de continuité, dont MM. Klein et Poincaré se sont servis pour la démonstration du théorème fondamental de la théorie des fonctions fuchsiennes. Comme ma démonstration se trouve répandue dans plusieurs mémoires, se rapportant pour la plus grande part à des sujets différents du problème mentionné, et comme j’ai réussi dernièrement à simplifier notablement la démonstration d’un théorème auxiliaire, je me permets d’exposer sur les quelques pages qui suivent ma démonstration sous sa forme, pour ainsi dire, définitive. (Schlesinger 1908, 65–66)

    Voir la note [Riemannprob].↩︎


Références

Schlesinger, Ludwig. 1904. “Sur La Théorie Des Systèmes d’équations Différentielles Linéaires.” Comptes Rendus Hebdomadaires Des Séance de L’Académie Des Sciences 138: 955–56.

———. 1908. “Sur La Solution Du Problème de Riemann.” Acta Mathematica 31: 65–70.

Titre
Schlesinger : Texte d’une note non-publiée envoyée à Poincaré en 1904 (annexe du tome entre Poincaré et les mathématiciens)
Incipit
En conservant les notations de ma Note précédente...
Date
1904
Références Bibliographiques citées dans l'apparat
Acta mathematica

« Schlesinger : Texte d’une Note Non-publiée envoyée à Poincaré En 1904 (annexe Du Tome Entre Poincaré Et Les mathématiciens) », La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 8 mai 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/19299