LettreHenri Poincaré à Eugénie Poincaré - 11 décembre 1873

[11 décembre 1873]

Jeudi

Ma bonne mère

Je ne sais si je pourrai achever ma lettre aujourd’hui, parce qu’il est bien tard et je viens seulement de finir mon épure. J’ai dîné hier chez Mme Valette avec Mme Olleris et Gonzalve1. Un instant je me suis cru dans le plus grand embarras. En effet le général2 venait d’inviter Badoureau, et je m’attendais à être invité aussi et je n’aurais trop su que faire.

Enfin je ne l’ai pas été de sorte que Badoureau se trouvant seul se promettait beaucoup d’ennui. Pendant qu’il était là le général a reçu la dépêche de la condamnation de Bazaine3, de sorte que les anciens l’ont su à minuit et nous à 7 h du matin. Tout le monde en est bien content ici ; on dit même que nous irons à Satory4. Le colonel5 a dit qu’il voudrait être maréchal pour le condamner et soldat pour le fusiller.

Je n’ai rien fait hier que de me promener sur le boul [boulevard] avec M. et Mme Rinck et Élie6 et de dîner chez Mme Valette.

J’ai reçu hier une lettre de M. Brice qui me disait que Mme Brice allait tous les dimanches à St Denis que je ne pourrais les trouver qu’entre 6 h et 6 h ½ et comme c’est l’heure de leur dîner, ils pensent que je ne ferai pas de façon pour le partager. Je n’ai toujours pas de colle. J’en aurai peut-être une aujourd’hui. J’ai fini ma troisième épure qui est mieux que les deux autres. J’embrasse tout le monde.

Henri

 


  1. Gonzalve Olleris.

  2. Frédéric Juste Riffault.

  3. François-Achille Bazaine.Son nom est surtout associé à son échec en tant que commandant en chef de l’Armée du Rhin et à la capitulation de ses troupes à Metz le 27 octobre 1870. Bazaine avait été traduit devant un conseil de guerre présidé par Henri d’Orléans et condamné à la peine de mort ainsi qu’à la dégradation militaire le 10 décembre 1873. Après lecture du jugement, les membres du Conseil de guerre avaient tous signé une demande de grâce adressée au président de la République Patrice de Mac Mahon. Le lendemain, celui-ci commua sa peine en 20 années de prison et annula la décision de dégradation militaire. Dans le contexte de l’après-guerre, la commutation de la peine constituait bien évidemment un sujet brûlant. Cette question apparaît d’ailleurs dans d’autres lettres, notamment aux pages 25 et 26. Pour plus de détails sur le procès Bazaine voir [F.-C. Semur 2009].

  4. Ce quartier de Versailles était occupé par un très grand camp militaire. Il existe encore aujourd’hui. C’est à Satory qu’avaient été fusillés de nombreux Communards.

  5. Henri Putz.

  6. Élie Rinck.

Titre
Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - 11 décembre 1873
Incipit
Je ne sais si je pourrai achever ma lettre aujourd'hui ...
Date
1873-12-11
Identifiant
L1873-12-11-HP_EP
Adresse
Nancy
Lieu
Paris
Sujet
fr Colles et examens (polytechnique)
fr Visites familiales et amicales
fr Général Bazaine
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Lettre autographe signée
Section (dans le livre)
1
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
2
Mots d'argot polytechnicien cités
Épure
Ancien
Colle
Épure
Noms cités dans l'apparat
François-Achille Bazaine
Références Bibliographiques citées dans l'apparat
L'affaire Bazaine : un maréchal devant ses juges
Numéro
017
Langue
fr
Éditeur
Archives Henri Poincaré
Laurent Rollet
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - 11 décembre 1873 ». La Correspondance De Jeunesse d’Henri Poincaré : Les années De Formation, De l’École Polytechnique à l’École Des Mines (1873-1878). Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 29 mars 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/4333