LettreLe Chatelier à Poincaré, 1907-11-02

2-36-7. Henry Le Chatelier to H. Poincaré

Paris le 2 Novembre 1907

Mon Cher Président,

Je n’oserai plus vous écrire si vous interprétez ainsi mes opinions envoyées au courant de la plume. Vous pensez bien que si je vous avait cru aussi naïf que vous me reprochez de vous l’avoir dit, je me serais bien gardé d’exprimer aussi nettement ma façon de voir.11Voir Le Chatelier à Poincaré, 27.10.1907 (§ 36.5) et la réponse de Poincaré (§ 36.6).

Pour arriver au fond, c’est-à-dire à la seule question sérieuse, je me rallie absolument à votre proposition, non pas que j’aie grande confiance dans la persévérance des membres de ladite sous-commission, mais je reconnais qu’en raison de l’état de l’opinion publique, il faut avoir l’air de faire quelque chose et tâcher en faisant quelque chose de faire le moins de mal possible.

Mon opinion un peu catégorique sur différents membres de la commission est peut-être exagérée, je le désire ; elle repose sur des conversations que j’ai eues avec les uns et les autres. Un certain nombre d’entre eux ont une véritable haine à l’égard de M. Vieille, d’autres se contentent de le considérer comme un homme néfaste. Parmi les opposants, il y en a un que je crois jusqu’ici absolument de bonne foi et que je m’efforce de ramener à d’autres sentiments, c’est le Commandant Schwerer, qui me paraît représenter assez exactement l’opinion moyenne de la marine. L’amiral qui nous a reçus à Cherbourg m’a dit dans une conversation particulière que la Commission rendrait au pays un véritable service si elle arrivait à débarrasser la marine des poudres sans fumée !22Antoine Schwerer est officier de la Marine, chargé en 1896 de mesures du magnétisme terrestre en divers points du globe, à bord du Dubordieu (Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences de Paris 123, 1896, p. 1115).

Pour vous donner par un exemple l’état d’esprit de quelques membres de la commission, je vous dirai que le capitaine Robert me prend toujours comme intermédiaire quand il y a à obtenir un renseignement du laboratoire des Poudres et Salpêtres, ne voulant pas se compromettre en le demandant directement à M. Vieille. Je m’occupe ainsi en ce moment de la question des régulateurs de température. Les Versaillais déclarent qu’ils ne peuvent pas règler à 25° près la température, bien qu’ils aient commandé au fournisseur de M. Vieille, un de ses appareils. Or le dit fournisseur chez lequel j’ai été pour élucider cette question m’a dit que le modèle fournit par lui à Versailles est celui que M. Vieille emploie pour les températures de 40° et qu’il ne peut aucunement convenir pour 110°. Deux minutes de conversation entre les intéressés auraient évité tout ce temps perdu.

Veuillez agréer, Mon Cher Président, l’expression de mes sentiments tout dévoués.

H. Le Chatelier

ALS 2p. Collection particulière, Paris 75017.

Titre
Le Chatelier à Poincaré, 1907-11-02
Incipit
Je n'oserai plus vous écrire si vous interprétez ainsi mes opinions ...
Date
1907-11-02
Adresse
Paris
Lieu
Paris
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Document dactylographié signé
Section (dans le livre)
7
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
2
Langue
fr
Licence
CC BY-ND 4.0

« Le Chatelier à Poincaré, 1907-11-02 ». La Correspondance Entre Henri Poincaré Et Les Physiciens, Chimistes Et ingénieurs. Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 29 mars 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/4887