Formé à l’École normale supérieure (promotion 1865), agrégé en 1868, Boutroux avait soutenu une thèse très remarquée en 1874, De la contingence des lois de la nature [É. Boutroux 1874]. Après avoir été chargé de cours de philosophie à la Faculté des lettres de Montpellier, il avait été nommé sur la chaire de philosophie de la Faculté des lettres de Nancy à l’automne 1876. Sa nomination s’était faite dans un contexte houleux : le titulaire de la chaire, le philosophe catholique Amédée Jacquin de Margerie, royaliste convaincu et militant, avait démissionné en août pour rejoindre la Faculté catholique de Lille, nouvellement créée (voir la note 4, page 395). Boutroux était alors devenu à Nancy une sorte de symbole pour le camp républicain, soucieux d’assurer la réussite du nouveau régime contre les monarchistes. Sa leçon inaugurale à Nancy avait eu lieu le 4 décembre 1876 et il était vite devenu un invité régulier des parents de Poincaré. La sœur de Poincaré était tombée amoureuse de lui et, dans ses souvenirs de jeunesse, elle raconte de manière très détaillée ses peines de cœur face à la volonté de ses parents de lui présenter d’autres prétendants ([A. Boutroux 2012], chapitres XVII et XVIII). Aline Boutroux devait finalement épouser le philosophe le 9 octobre 1878. Boutroux exerça une profonde influence sur Henri Poincaré et on peut sans aucune doute le considérer comme l’un des principaux artisans de l’entrée du mathématicien en philosophie [L. Rollet 2000].↩