RapportH. Poincaré: Rapport sur la thèse d'Henri Bouasse



H. Poincaré: Rapport sur la thèse d’Henri Bouasse

13 décembre 1892

Le travail présenté par M. Bouasse est un exposé systématique et limpide des théories les plus récentes relatives au mouvement de l’éther dans les milieux réfringents et absorbants.11Henri Bouasse 1892. Il s’agit d’une thèse ès sciences mathématiques; par la suite Bouasse soutiendra également une thèse ès sciences physiques (Bouasse 1897). Cet exposé était nécessaire ; les différents mémoires qui y sont résumés, écrits pour la plupart dans une langue étrangère et quelquefois très obscurs, étaient dispersés dans de nombreux recueils souvent assez peu répandus. En les rassemblant, en développant ce qui était trop concis et en résumant ce qui était trop diffus, et surtout en les rapprochant et en les fondant en un tout systématique, l’auteur a donc rendu un réel service à la science et à l’enseignement. Il a d’ailleurs fait œuvre personnelle, outre que sa méthode d’exposition lui est propre et dénote une originalité véritable, il a fait preuve dans la discussion de toutes les théories et leur comparaison avec les expériences d’un esprit judicieux.

Dans la première partie de sa thèse, M. Bouasse dégage les hypothèses cinématiques qui sont communes à toutes ces théories, sans ses préoccuper de leur interprétation au point de vue de la physique moléculaire ; il coordonne ensuite ces hypothèses, et il en déduit et en discute les conséquences. Il fait rentrer dans une même formule les phénomènes de la réflexion métallique, de la réflexion vitreuse et de la réflexion totale. On remarquera la discussion de la théorie de Cauchy sur les ondes évanescentes, soit longitudinales, soit transversales et des expériences sur lesquelles on a cherché à les mettre en évidence ; celle des phénomènes se passent quand une onde plane tombe sur un prisme de matière absorbante ; celle de la théorie des couches de passage et de la polarisation elliptique vitreuse. Dans toutes ces discussions, l’auteur a été amené à émettre un très grand nombre d’idées personnelles et nouvelles.

La seconde partie de la thèse est consacrée à l’exposition plus détaillée de certaines théories particulières et principalement de celle de M. Voigt qui est l’une des plus récentes.22Woldemar Voigt fut professeur de physique mathématique à l’Universite de Göttingen depuis 1883. Le problème n’est plus envisagé au point de vue purement cinématique, mais cherche à rendre compte des forces moléculaires qui produisent le mouvement lumineux. Cette théorie était presque inconnue en France parce que M. Voigt en a disséminé l’exposition dans de nombreux mémoires et que cette exposition est diffuse et encombrée de longs calculs rendus obscurs par la complication des notations. L’élégant résumé qu’en a fait M. Bouasse est donc un réel service rendu à la science. On lira d’ailleurs avec intérêt la comparaison faite par l’auteur entre les idées de M. Voigt et quelques unes des théories classiques, entre autres celles de MM. Boussinesq et von Helmholtz.

En résumé la thèse de M. Bouasse nous paraît très digne d’être acceptée et nous sommes d’avis qu’il y a lieu d’en autoriser l’impression.

Poincaré Appell Boussinesq

ADS. AJ/16/5535, Archives nationales françaises.

Références

Titre
H. Poincaré: Rapport sur la thèse d'Henri Bouasse
Incipit
Le travail présenté par M. Bouasse ...
Date
1892-12-13
Lieu d’archivage
Archives nationales françaises
Cote (dans les archives)
AJ/16/5535
Type
ADS
Langue
fr