LettreHenri Poincaré à Eugénie Poincaré - juin 1876

[Juin 1876]

Hier, dîner chez Mme Vallet avec M. Lefort. Aujourd’hui j’ai reçu tes trois topos. D’abord le dernier, puis les deux de Cherbourg ; de plus les montagnes de friandises. Nous sommes au labo depuis deux jours.

2e journée

De Trouville à Caen.

Le matin réveil vers 6 h ; nous descendons ; nous déjeunons ; je fais ma malle je cours après mon pantalon puis nous allons à la gare où nous enregistrons tous les bagages pour Caen ; enfin nous prenons la grande route de Villers. Pendant quelque temps nous marchons en bataille sur deux rangs avec quelques traînards par derrière ; nous montons sur les dunes. Mais bientôt notre colonne s’allonge et nous nous trouvons en avant, Honoré, de Neufville, Petitdidier et moi. Nous descendons la côte et nous arrivons sur la plage ; et là nous regardons derrière nous personne ; ils avaient tourné à gauche sans nous rappeler, comme nous l’avons su plus tard. Alors nous flânâmes sur la plage pendant quelque temps où nous ne trouvâmes rien de remarq. [remarquable] qu’un amphi de méduses et une ostrea gregarea1. À ce moment la pluie recommence et arrive bientôt au nègre de l’intensité.

Enfin nous arrivons à Villers avec l’intention de rentrer à l’hôtel où on a commandé l’omelette. C’est bien ici qu’on a commandé à déjeuner pour 27 pers [personnes]. Ébahissement du fumiste. Et nous aurons tout Villers dans l’équipage ultragéologique et par la pluie. Enfin au télégr [télégramme] on nous dit qu’on n’a pas reçu de dépêche. Chan2 arrive et explique qu’il a dit au type de Trouville d’envoyer la dépêche et qu’il s’en est probablt [probablement] dispensé. Allons vite une omelette pour 27 person. Nous attendons longtemps. Petitdidier en profite pour remplir de sable les oursins ultraquinquernnaires qu’il a ramassés sur la plage pendant que je ramassais mon huître jurassique.

Enfin arrive l’omelette j’en ai, ce qui est le cas général, mais non universel. Puis vient le poisson et le gigot qui nous sont plus équitablement distribués. En avant, nous reprenons notre marche sur les galets et dans l’eau, cherchant des ammonites. Cette fois nous sommes plus nombreux à l’avant-garde ; Honoré, de Neufville, Jeantet, Carcanague et moi. Nous prenons toutefois bientôt une avance d’une heure malgré la surcharge de Carcanague qui a au moins 5 kg de cailloux dont à peu près 1 de fossiles et 4 de gangue. Quant à moi je n’ai plus de place dans mon sac il faut que les mette dans mes poches. Enfin apparaît une maison d’Houlgate mais nous en sommes encore loin ; heureusement nous sommes trop loin des Vaches Noires3 pour rien trouver. Nous entrons à Houlgate où notre premier soin est d’aller prendre un bock4 dans le café Geneviève (?). Nous y sommes à 5 h nous en sortons à 5 h ½ ; les autres y sont arrivés à 6 h. Mais voilà l’h. [heure] postale la suite au p. n. [prochain numéro]

 


  1. Ostrea gregarea : un mollusque bivalve de l’Oxfordien du Calvados.

  2. Alexandre-Émile Béguyer de Chancourtois.

  3. Les falaises des Vaches Noires sont situées non loin d’Houlgate.

  4. Bock : un verre de bière, terme d’argot emprunté à l’allemand Bockbier.

Titre
Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - juin 1876
Incipit
Hier, dîner chez Mme Vallet ...
Date
1876-06
Identifiant
L0239
Adresse
Nancy
Lieu
Paris
Sujet
fr Course géologique en Normandie
fr Visites familiales et amicales
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Lettre autographe
Section (dans le livre)
4
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
3
Mots d'argot polytechnicien cités
Topo
Amphi
Nègre
Fumiste
Numéro
239
Langue
fr
Éditeur
Archives Henri Poincaré
Laurent Rollet
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - Juin 1876 ». La Correspondance De Jeunesse d’Henri Poincaré : Les années De Formation, De l’École Polytechnique à l’École Des Mines (1873-1878). Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 28 mars 2024, https://henripoincare.fr/s/correspondance/item/14260