LettreHenri Poincaré à Anders Lindstedt, 29 mars 1884

Paris 29 Mars 1884

Monsieur,

J’ai beaucoup réflechi depuis quelque temps à votre mémoire “Beitrag zur Integration der Differentialgleichungen der Störungstheorie” et j’aurais une explication à vous demander.1 Prenons l’équation \[\frac{d^2x}{dt^2}+n^2x=\psi_0+\psi_1x+\psi_2x^2+\ldots\] A la p[remièr]e approximation vous arrivez à une formule \[x_p=\;\mbox{une série trigonométrique en $t$ et $w$ dont le premier terme est}\; \eta_0\cos w.\]

Vous déterminez ensuite \(x_{p+1}\) par l’équation \[\frac{d^2x_{p+1}}{dt^2}+n^2(1-\nu)x_{p+1}=-n^2\nu x_{p}+\psi_0+\psi_1x_p+\psi_2x_p^2+\ldots\] le second membre est une série trigonométrique et vous disposez de \(\nu\) pour en faire disparaı̂tre les termes en \(\cos w\).2

Mais cela ne suffit pas, il faut faire disparaı̂tre aussi les termes en \(\sin w\), ce que vous ne pouvez pas faire par le même procédé.

Il faudrait donc démontrer que ces termes disparaissent d’eux-mêmes. Je vois bien, par l’observation, qu’il en est effectivement ainsi mais je ne puis parvenir à le démontrer et cela ne me paraı̂t pas du tout évident a priori. Je vous serais fort obligé si vous vouliez bien me faire savoir comment vous le démontrez.3

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée,

Poincaré


Apparat critique 

  1. Lindstedt (1883).↩︎

  2. L’objectif de Lindstedt est d’étudier l’équation \[\frac{d^2x}{dt^2}+ n^2 x = \Psi_0 + \Psi_1 x + \Psi_2 x^2 + \ldots\] qu’il présente comme le problème principal de la théorie des perturbations Lindstedt (1882). Les fonctions \(\Psi\) sont essentiellement des séries trigonométriques :

    Die Functionen \(\Psi_0, \Psi_1, \ldots\) sind alle mit der Masse des störenden Planeten multiplicirt und enthalten, ausser Constanten, lauter periodische Functionen von \(\nu\). Lindstedt (1882, p. 211)

    La méthode d’approximation successive habituelle consiste à considérer pour la première approximation la solution de l’équation sans second membre et à calculer avec celle-ci le second membre de l’équation (1). Il peut apparaître avec cette méthode des termes séculaires. L’idée de Lindstedt est d’écrire l’équation (1) sous la forme : \[\frac{d^2 x}{dt^2}+ n^2 (1-\nu)x = -n^2 \nu x + \Psi_0 + \Psi_1 x + \Psi_2 x^2 + \ldots = -n^2\nu x + f(x)\] et de commencer le processus d’approximation successives en considérant la solution \[x_0 = \eta_0 \cos w, \qquad\mbox{où}\quad w = n(1-\sigma)t + \varpi,\quad 1 - \sigma = \sqrt{1-\nu}\] de l’équation : \[\frac{d^2 x}{dt^2}+ n^2 (1-\nu)x = 0.\]

    En posant \[f(x_0) = f(\eta_0 \cos w) = a_0 + 2 a_1 \cos w + 2a_2 \cos 2w + \ldots,\] on obtient l’équation : \[\frac{d^2x_1}{dt^2} + n^2 (1-\nu)x_1 = a_0 + (2a_1-n^2\nu\eta_0)\cos w + 2a_2 \cos 2w + \ldots\]

    Soll nun die Integration dieser Gleichung vollzogen werden können, ohne dass ein sekuläres Glied zum Vorschein kommt, so muss rechts das Glied in \(\cos w\) weggeschaft werden. Diese Bedingung liefert für \(\nu\) den Werth \[\nu_1 = \frac{2a_1}{n^2\eta_0}.\] (Lindstedt (1883), p. 8)

    On obtient ainsi une première approximation \(x_1\) sous forme de série trigonométrique. La méthode de Lindstedt consiste alors à itérer le procédé. Callandreau (1884), dans sa recension des travaux de Lindstedt, décrit la fin de l’algorithme tout en soulignant qu’il reste des questions en suspens :

    En général, ayant obtenu la valeur approchée de \(\nu\) jusqu’aux termes d’ordre \(k+1\), soit \(\nu_k\), et pareillement la valeur \(x_k\) sous forme de série trigonométrique [...], on substituera dans l’approximation suivante cette valeur de \(x_k\) dans le second membre de l’équation (2) en remplaçant \(\nu_k\) par \(nu\), et l’on déterminera \(\nu\) de manière qu’il n’y ait plus à droite de terme en \(\cos w\) ; cette condition conduira à la nouvelle valeur \(\nu_{k+1}\), et \(x_{k+1}\) sera donnée comme ci-dessus [...].

    Tel est l’algorithme fort simple que M. A. Lindstedt, de Dorpat, a imaginé pour obtenir l’intégrale de l’équation (1) sous forme de série purement trigonométrique, en réservant la question de la possibilité d’un tel développement. (Callandreau (1884), p. 305-306)

    ↩︎
  3. Lindstedt ne démontre pas ce point ; il pensait en fait qu’il fallait se placer dans des cas où les termes en \(\sin w\) disparaissaient en même temps que ceux en \(\cos w\) :

    En effet, pour que l’équation \[\Delta u = W\] où le second membre est une série trigonométrique en \(t\) et \(w\) puisse être satisfaite par une série trigonométrique \(u\), il faut et il suffit que \(W\) ne contienne ni terme en \(\cos w\), ni de terme en \(\sin w\). Or nous pouvons disposer de \(\nu_k\), de façon à détruire les termes en \(\cos w\) ; mais nous ne pourrions pas de même détruire les termes en \(\sin w\), s’il y en avait [...].
    On voit immédiatement qu’on ne peut en rencontrer dans les premières approximations ; mais il n’est pas évident qu’il en serait de même dans les approximations suivantes. Aussi M. Lindstedt croyait-il que sa méthode n’était applicable jusqu’au bout que s’il n’existait aucune relation linéaire à coefficients entiers entre les coefficients du temps dans les divers termes de \(\phi_1, \phi_2, \ldots, \phi_p\). Poincaré (1886, p. 59)

    ↩︎

Références

Lindstedt, Anders. 1882. “Über die Integration einer für die Störungstheorie wichtigen Differentialgleichung.” Astronomische Nachrichten 103: 211–19.↩︎

———. 1883. “Beitrag Zur Integration Der Differentialgleichungen Der Störungstheorie.” Mémoires de L’Académie Impériale Des Sciences de St. Pétersbourg, 7th ser., 31 (4): 1–19.↩︎

Callandreau, Octave. 1884 Revue des publications astronomiques, Bulletin astronomique, 1, 302-307.↩︎

Poincaré, Henri. 1886. “Sur une méthode de M. Lindstedt.” Bulletin Astronomique 3: 57–61.↩︎

Titre
Henri Poincaré à Anders Lindstedt, 29 mars 1884
Incipit
J'ai beaucoup réflechi depuis quelque temps ...
Date
1884-03-29
Adresse
Dorpat
Lieu
Paris
Chapitre
Anders Lindstedt
Lieu d’archivage
Observatoire de Paris
Section (dans le livre)
6
Nombre de pages
2
Langue
fr
Publié sous la référence
Dugac 180
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Anders Lindstedt, 29 Mars 1884 ». La Correspondance Entre Henri Poincaré, Les Astronomes Et Les géodésiens. Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 26 avril 2024, https://henripoincare.fr/s/correspondance/item/5411