LettreHenri Poincaré à Gösta Mittag-Leffler - 5 juillet 1893

[5/7/1893]1

Mon cher ami,

J’avais dit à Gauthier Villars de ne faire les envois du tome II de la Mécanique Céleste2 que quand le volume serait complet ; mais si vous le préférez je vous ferai envoyer les fascicules parus. Le 1 fascicule a paru il y a longtemps ; j’ai présenté l’autre jour à l’Académie un exemplaire / du 2\(^{d}\) fascicule3 contenant les méthodes de M. Gyldén ;4 les autres exemplaires sont à la brochure et seront je l’espère bientôt prêts.

Quant à l’étude sur le continu mathématique5 elle a paru dans la Revue de Métaphysique je n’en ai pas fait faire de tirage à part mais j’écrirai au directeur de la Revue de vous en envoyer un exemplaire ; je pense qu’il en a encore ; je m’étonne toutefois que vous ne l’ayez pas reçue ; j’avais prié le directeur de vous en envoyer une vers la fin de Janvier.

Le successeur de M. Kummer6 sera je pense M. Weierstrass ; mais l’élection ne se fera que dans quelques mois ; je pense qu’il n’y aura pas de difficulté,7 bien qu’il soit toujours difficile de prévoir l’avenir car les Académies sont changeantes comme les femmes.8 /

Vous avez sans doute reçu le faire part de la naissance de mon fils ; c’est cet événement qui m’a empêché d’aller en Suède au mois dernier, car il est né le 1 Juin.9

Ici nous n’avons pas envie de dire que l’été est délicieux ; nous partons aujourd’hui pour la campagne, mais tout près de Paris de sorte que je pourrai facilement revenir ici pour les examens.

Veuillez agréer, cher ami, l’assurance de ma sincère sympathie.

Poincaré10


 Apparat critique

  1. Cette lettre est conservée à l’institut Mittag-Leffler dans la correspondance de Hermite (IML – Hermite 239).

  2. Poincaré (1893b)

  3. M. H. Poincaré fait hommage à l’Académie des deux ouvrages suivants :

    1 “Traité des tourbillons” (Paris, G. Naud, 1893). Ce volume contient les leçons professées à la Sorbonne par l’auteur pendant le deuxième semestre 1891-1892, sur les théories hydrodynamiques de M. Helmholtz et leurs relations avec les lois des actions électrodynamiques.

    2 “Les Méthodes nouvelles de la Mécanique céleste”, tome II, 2e fascicule (Paris, Gauthier-Villars et fils, 1893). Ce fascicule commence par l’exposition d’un procédé nouveau pour former directement les séries qui satisfont aux équations de la dynamique, et se termine par une étude des méthodes de M. Gyldén. L’auteur, cherchant surtout à en faire comprendre l’esprit, ne s’attache pas à reproduire exactement la marche suivie par l’astronome suédois. La théorie de l’équation linéaire : \[\frac{{d^2 x}}{{dt^2 }} = x(- q^2 + q\cos 2t)\] dont notre confrère M. Tisserand s’est récemment occupé fait l’objet d’un assez long chapitre. (Séance du 26 juin 1893, Comptes rendus, 116 (1893), p. 1498)

  4. Voir lettre n°114, note n°3.

  5. Poincaré (1893a)

  6. Kummer, décédé le 14 mai 1893, laissait vacant un siège de membre associé à l’Académie des sciences.

  7. Poincaré est un peu optimiste. En effet, les négociations avec la section d’Astronomie se poursuivaient toujours en décembre. Hermite évoque dans sa lettre à Mittag-Leffler du 2 décembre la campagne en faveur de Weierstrass :

    Je me suis entretenu de l’élection de M. Weierstrass avec Poincaré et Picard qui sont on ne peut mieux disposés ; l’obstacle en ce moment vient des astronomes ; je n’ai pu que partager leur avis qu’une entente avec Tisserand et d’autres était nécessaire, pour se présenter en force et imposer le silence aux adversaires, qui sont nombreux, d’une candidature allemande. Prochainement je m’entendrai sur la question avec Appell, j’en parlerai aussi à Darboux, à qui je crois reviendra principalement la tâche de négocier un accommodement avec Tisserand […]. (Dugac 1986a, p. 25)

  8. Weierstrass sera élu membre associé étranger, en remplacement de Kummer à la séance du 25 février 1895 (Comptes rendus, 120 (1895), p. 415).

  9. Il s’agit de la naissance de Léon, le premier fils de Poincaré. Un faire-part de la naissance de Léon, posté le 10 juillet 1893, est conservé à l’Institut Mittag-Leffler sous la cote (IML Poincaré 72).

  10. On trouve à l’institut Mittag-Leffler, dans le dossier de la correspondance entre Mittag-Leffler et Poincaré, une lettre non-datée de Cousin apparemment adressée à Poincaré vers la fin de l’été 1893. Dans celle-ci, Cousin annonce la fin de la rédaction de sa thèse en octobre :

    Monsieur et cher Maître,

    Je m’occupe en ce moment de la rédaction de ma thèse et je compte l’avoir terminée vers le milieu d’Octobre.

    En ce qui concerne la demande de M. Mittag-Leffler, je serais très honoré que mon travail fut inséré dans son journal et j’accepte en principe toute proposition qui me serait faite à ce sujet. Toutefois, il peut se présenter une petite difficulté sur le point suivant : l’imprimeur des Acta pourrait-il m’assurer le nombre d’exemplaires nécessaires pour ma thèse, d’un tirage à part, avec pagination spéciale et exécuté à mes frais ?

    Je vous prie, d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments respectueux.

    P. Cousin (IML)

    Poincaré a ajouté en communiquant cette lettre à Mittag-Leffler la note suivante :

    Voici la lettre de M. Cousin qui prépare une thèse sur les fonctions de deux variables. La thèse une fois déposée, il pourra avoir le permis d’imprimer en deux ou trois mois, j’espère.

    Votre ami dévoué,

    Poincaré

    Le rapport rédigé par Poincaré sur la thèse de Cousin (AJ/16/5535 — AN) est daté du 8 juin 1894. Il est particulièrement élogieux et souligne que la démonstration obtenue par Cousin du théorème selon lequel une fonction méromorphe de deux variables peut s’écrire comme quotient de deux fonctions holomorphes de deux variables est “entièrement nouvelle et ne se sert que des principes les plus élémentaires du calcul des intégrales prises entre des limites imaginaires” et que “le théorème s’étend d’ailleurs sans peine aux cas où il y a plus de deux variables”. En évoquant sa propre démonstration de ce théorème, Poincaré la critique en constatant qu’elle “repose sur des principes assez différents de ceux dont on fait ordinairement usage dans la théorie des fonctions”. Poincaré fait allusion ici à l’utilisation faite dans sa démonstration du principe de Dirichlet.


Références

Poincaré, Henri. 1893a. “Le continu mathématique.” Revue de Métaphysique et de Morale 1: 26–34.

———. 1893b. Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 2. Paris: Gauthier-Villars.

Titre
Henri Poincaré à Gösta Mittag-Leffler - 5 juillet 1893
Incipit
J'avais dit à Gauthier Villars de ne faire les envois du tome II de la Mécanique Céleste ...
Date
1893-07-05
Lieu
Paris
Sujet
Thèse de Cousin
Weierstrass à l'Académie des sciences
Fonction Méromorphe à plusieurs variables
Lieu d’archivage
Mittag-Leffler Institute
Type
fr Lettre autographe signée
Section (dans le livre)
119
Nombre de pages
3
Langue
fr
Publié sous la référence
CHP 1:119
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Gösta Mittag-Leffler - 5 Juillet 1893 ». La Correspondance Entre Henri Poincaré Et Gösta Mittag-Leffler. Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 29 mars 2024, https://henripoincare.fr/s/correspondance/item/6328