LettreGösta Mittag-Leffler à Henri Poincaré - 12 février 1900

Mena House Hôtel [12/2/1900]

Mon cher ami,

En revenant ici hier après une excursion à Luxor et Assouan j’ai trouvé votre dépêche adressé]e[ à Stockholm qui m’annonçait mon élection comme membre de l’académie des sciences. Je vous ai télégraphié immédiatement et j’espère que la dépêche vous soit arrivée.

Agréez je vous en prie l’expression de ma très vive reconnaissance des efforts que vous avez bien voulu faire pour moi et qui ont abouti à un si bon résultat. D’être membre correspondant de l’académie des sciences de Paris est évidemment à notre époque pour un mathématicien étranger le plus grand honneur possible.

Je m’occupe toujours avec mes recherches sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction monogène. Il y en a beaucoup à y faire encore.

J’ai trouvé quelques résultats nouveaux que j’enverrai dans quelques jours à l’académie des sciences.1

Madame M[ittag-] L[effler] et moi nous vous prions de nous rappeler au bon souvenir de M[me] Poincaré et nous faisons les vœux les plus sincères pour votre bonheur ainsi que celui de toute votre famille.

Votre très dévoué et très reconnaissant,

M. L.

Votre lettre vient de m’arriver. Mille fois merci. Quant à la proposition de faire une conférence sur un sujet d’intérêt général2 permettez moi de revenir à cette question en deux ou trois jours.


 Apparat critique

  1. Mittag-Leffler a publié une note (1899) Sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction analytique aux Comptes rendus en 1899. Par contre, il n’enverra en 1900 aucune note aux Comptes rendus mais publiera sur ce sujet un article général (1900) dans les Acta mathematica dans lequel il développe les résultats annoncés dans sa note aux Comptes rendus. Il sera suivi de deux autres en 1901, toujours publiés dans les Acta mathematica (1901a) et (1901b) et d’un dernier qui paraîtra dans le premier des trois tomes des Acta mathematica dédiés à Abel (voir lettre n°181, note n°16).

    Mittag-Leffler considère une fonction \(F(x)\) définie par une série de Taylor P(x, a) en a et son prolongement analytique. Il pose alors la question suivante :

    Si K est un continuum formé d’une seule pièce qui ne se recouvre nulle part elle-même, renfermant le point \(a\), et tel que la branche de la fonction \(F(x)\), formée par \(P(x,a)\) et sa continuation analytique à l’intérieur de \(K\), reste uniforme et régulière, nous désignerons cette branche par \(FK(x)\).

    Le problème dont nous allons nous occuper sera de trouver une représentation analytique d’une branche \(FK(x)\) choisie aussi étendue que possible. (1900, 44–45)

    Mittag-Leffler introduit alors “une nouvelle conception géométrique : l’étoile”. La dénomination “étoile” n’est plus usitée, on parle de domaine étoilé.

    Etant donnée une série de Taylor \[P\left( {x,a} \right) = \sum\limits_{\mu = 0}^\infty {\frac{1} {{\mu !}}F^{\left( \mu \right)} \left( a \right)\left( {x - a} \right)^\mu },\] il effectue le prolongement analytique de la fonction définie par cette série le long de chaque axe issu de \(a\). Mittag-Leffler définit ainsi sur un domaine étoilé un prolongement de la fonction initiale :

    Il se peut que chaque point de ce vecteur appartienne au cercle de convergence d’une série qui est en elle-même une continuation analytique de \(P(x,a)\) obtenue en procédant le long du vecteur ; mais il est aussi possible qu’en procédant le long du vecteur, on rencontre un premier point qui n’est situé à l’intérieur du cercle de convergence d’aucune continuation analytique de \(P(x,a)\) le long du vecteur. Dans ce cas nous exclurons du plan des \(x\) la partie du vecteur comprise entre le point ci-dessus et l’infini. En faisant tourner une fois le vecteur autour de \(a\), nous obtiendrons une étoile telle qu’elle a été définie précédemment.

    Cette étoile étant donnée d’une manière univoque […], nous l’appellerons l’étoile appartenant à ces éléments. (1900, 48)

    Il désigne par A cette étoile et par \(FA(x)\) la détermination correspondante. Le théorème principal de Mittag-Leffler s’énonce alors ainsi :

    La branche \(FA(x)\) peut toujours être représentée par une série \[\sum\limits_{\mu = 0}^\infty {G_{\left( \mu \right)} \left( x \right)}\] les \(G_{(\mu)}(x)\) désignant des fonctions entières rationnelles de \(x\) : \[G_\mu \left( x \right) = \sum\limits_\nu {c_\nu ^{\left( \mu \right)} F^{\left( \nu \right)} \left( a \right)\left( {x - a} \right)^\nu }\] où les coefficients \(c_\nu ^{(\mu)}\) sont données a priori indépendamment du choix de \(a\) et de \[F^{\left( \mu \right)} \left( a \right)\quad \left( {\nu = 0,\,1,\,2,\, \cdots \,,\,\infty } \right).\]

    Cette série \[\sum\limits_{\mu = 0}^\infty {G_{\left( \mu \right)} \left( x \right)}\] est convergente pour chaque point de l’étoile A et uniformément convergente pour chaque domaine à l’intérieur de A. Mittag-Leffler (1900)

  2. Voir lettre n°150.


Références

Mittag-Leffler, Gösta. 1899. “Sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction analytique.” Comptes Rendus 128: 1212–5.

———. 1900. “Sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction monogène (première note).” Acta Mathematica 23: 43–62.

———. 1901a. “Sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction monogène (deuxième note).” Acta Mathematica 24: 183–204.

———. 1901b. “Sur la représentation analytique d’une branche uniforme d’une fonction monogène (troisième note).” Acta Mathematica 24: 205–44.

Titre
Gösta Mittag-Leffler à Henri Poincaré - 12 février 1900
Incipit
En revenant ici hier après une excursion à Luxor et Assouan ...
Date
1900-02-12
Adresse
Paris
Sujet
Théorèmes de Mittag-Leffler
Lieu d’archivage
Mittag-Leffler Institute
Type
fr Brouillon autographe signé
Section (dans le livre)
151
Nombre de pages
1
Langue
fr
Publié sous la référence
CHP 1:151
Licence
CC BY-ND 4.0

« Gösta Mittag-Leffler à Henri Poincaré - 12 février 1900 ». La Correspondance Entre Henri Poincaré Et Gösta Mittag-Leffler. Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 24 avril 2024, https://henripoincare.fr/s/correspondance/item/6482