LettreHenri Poincaré à Eugénie Poincaré - février 1878

[Février 1878]

Mardi soir j’ai été chez M. Boutroux qui va un peu mieux puisqu’il a fait son cours mardi1. J’ai vu lui, son frère et sa mère2. Il paraît que M. Pasteur quand je suis sorti du labo, a demandé qui j’étais et quand il l’a su il a dit vous auriez dû me le dire je lui aurais fait une mercurl [mercuriale]3 pour être entré à l’X4.

Le soir nous avons été chez Ml Guichard où nous avons vu une dame dont les connaissances littéraires sont très profondes (gr [grand] dédain pour tout ce qui n’est pas classq [classique]) et les connaissances scientif. nulles.

À propos du téléph. [téléphone] elle a dit : on dit qu’il y a le même nombre de mouvements vibns [vibrations] aux deux extrémités de la ligne ; mais il y a pourtant des mots qui ont le même nombre de syllabes et qui sont tout à fait différents.

Hier soir j’ai été à l’Africn [l’Africain] avec M. Olleris, Lemonnier5, François ; Lasalle désavant. [désavantageusement] remplacé par une doublure6.

Je suis invité pour le 19 à un bal chez une cousine d’Henriot7.

Dans l’énumérn [énumération] des danseuses – j’ai oublié Mlle Du Souich fille d’un inspecteur géné des mines qui vaut 8 ; mais est très bonne enfant8.

 


  1. Après son passage par Nancy, Émile Boutroux avait été nommé, à la rentrée 1877, maître de conférences en histoire de la philosophie à l’École normale supérieure. Il remplaçait Alfred Fouillée. Dans ses souvenirs de jeunesse, la sœur de Poincaré raconte que Boutroux avait contracté en 1877 une forte grippe et que son médecin lui avait diagnostiqué une maladie du cœur.

  2. Né à Montrouge, Boutroux semblait venir d’un milieu modeste. Son père, Louis Adrien, probablement décédé à cette date, était fonctionnaire de l’octroi et sa mère, Hortense Suzanne (née Blanchard), sans profession. Le frère cadet d’Émile Boutroux, Léon avait fait ses études à l’École normale supérieure en 1873-1876. Après avoir obtenu l’agrégation de physique, il s’était orienté vers la chimie : maître de conférences à l’École normale supérieure en 1879, il devait ensuite occuper le même type de poste à la Faculté des sciences de Caen de 1880 à 1883. Durant cette période, il côtoya Henri Poincaré qui commençait sa carrière universitaire à Caen en tant que chargé de cours de mathématiques (il devait rester en poste de 1879 à 1881). À partir de 1883, Léon Boutroux continua sa carrière à la Faculté des sciences de Besançon, dont il fut un des doyens. Ses principaux travaux de recherche portent sur la chimie et la technologie de la boulangerie et de la meunerie. Voir son dossier de Légion d’honneur aux archives nationales (LH/341/36).

  3. Mercuriale : remontrance, réprimande, que l’on fait à un subordonné ou à un enfant.

  4. Concernant cet épisode voir la lettre 7.

  5. Louis Marie Lemonnier de la Haitrée.

  6. Peut-être Poincaré fait-il référence à une représentation de l’opéra-comique en deux actes d’Ernest Legouvé, L’amour africain. Ce spectacle avait été créé au théâtre de l’Opéra comique en mai 1875.

  7. Louis Paul Henriot.

  8. L’inspecteur général des mines évoqué ici par Poincaré est Charles Amable Alban Judas du Souich , connu pour ses travaux de prospection et de valorisation du bassin houiller du Pas-de-Calais. Poincaré faisait peut-être référence à la plus jeune de ses filles Marthe Judas du Souich. Voir la lettre 289.

Titre
Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - février 1878
Incipit
Mardi soir j'ai été chez M. Boutroux qui va un peu mieux ...
Date
1878-02
Identifiant
L0291
Adresse
Nancy
Lieu
Paris
Sujet
fr Visites familiales et amicales
fr Théâtre et opéra
fr Affaires diverses (mines)
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Lettre autographe
Section (dans le livre)
6
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
3
Mots d'argot polytechnicien cités
X
Géné
Numéro
291
Langue
fr
Oeuvres citées
L’amour africain
Éditeur
Archives Henri Poincaré
Laurent Rollet
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - février 1878 ». La Correspondance De Jeunesse d’Henri Poincaré : Les années De Formation, De l’École Polytechnique à l’École Des Mines (1873-1878). Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 26 avril 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/13418