LettreHenri Poincaré à Eugénie Poincaré - juin 1874

[Fin juin 1874]

Ma chère maman,

Je suis sorti hier chez M. Rinck. Mlle Pauline devait venir avec Octave1 ; nous sommes sortis immédiatement ensemble et nous deux Élie2, nous avons été changer le porte-cigares. Il en a pris un en cuir de Russie avec une boîte d’allumettes et autres gigons analogues. Puis j’ai été chez Madame Brisse que je n’ai pas trouvée. En revenant, j’apprends que Madame Rinck a été chez la marchande avec Mademoiselle Pauline, qu’elle s’est fait montrer des porte-cigares, entre autres celui en écailles et l’homologue de celui qu’avait choisi Élie et avait reconnu que le premier coûtait 40 fr et le second 25 seulement. Or la marchande nous avait dit que c’était le même prix. Donc après le dîner, Mlle Pauline est retournée à Courbevoie et nous sommes retournés au Palais Royal et Élie a repris son porte-cigares.

Événements principaux depuis lundi.

1° Exam d’allemand ; j’en suis assez content mais je ne sais rien sur ma note.

2° Les anciens ont refusé de faire leur laïus ; on leur a donné un gigon de temps ; ils n’ont rien remis ; on leur a demandé de remettre des feuilles blanches ; ils n’ont pas voulu ; on les a menacés d’une consigne ; cela n’a rien produit ; alors le colonel les a réunis à l’amphi pour leur dire que s’ils n’avaient pas remis leurs laïus dans une demi-heure, on choisirait six types pour les mettre à la porte ; ils ont fini par remettre des feuilles blanches. Il en est résulté que je passe mon premier exam plus tôt parce que les anciens le passent deux jours plus tard ; mais cela n’aura pas d’influence sur l’époque du dernier exam.

3° J’ai cherché Bonnet pendant 4 jours et j’ai fini par le trouver.

4° Enfin on a dévissé ce matin Badoureau au pitaine pour lui dire de dire au géné que son laïus était absurde. Le pitaine lui a répondu qu’il ne fafafallait pas faifaifaire attention à ce que dididi-disait le gégégé-général, qu’il était quelquefois en cococolère3.

5° Le géné a dit à Badoureau qu’il avait manqué de franchise. Épatement complet de Badoureau qui finit par comprendre que, quand on avait demandé l’amphi pour un rond, le géné avait cru que c’était pour des types qui avaient chahuté tandis que ce n’était pas du tout çà.

6° Les portes de l’X sont tapissées de l’inscription destinée à rester célèbre ; tapez dessus ; un concours est ouvert pour la chanson sur un air connu avec le refrain, tapez dessus.

Bonnet a dit à Badoureau que le géné serait probablement changé l’an prochain4 et ils ont tous les deux tapé dessus à qui mieux mieux.

 


  1. Octave Barré.

  2. Élie Rinck.

  3. Poincaré se moque ici sans doute du bégaiement du capitaine.

  4. Cela ne devait pas être le cas : le général Durand de Villiers commanda l’École polytechnique jusqu’en 1876.

Titre
Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - juin 1874
Incipit
Je suis sorti hier chez M. Rinck.
Date
1874-06
Identifiant
L0080
Adresse
Nancy
Lieu
Paris
Sujet
fr Examens intermédiaires et finaux
fr Chahuts étudiants
fr Visites familiales et amicales
Lieu d’archivage
Private collection 75017
Type
fr Lettre autographe
Section (dans le livre)
2
Droits
Archives Henri Poincaré
Nombre de pages
3
Noms cités dans l'apparat
Jean Durand de Villiers
Numéro
080
Langue
fr
Éditeur
Archives Henri Poincaré
Laurent Rollet
Licence
CC BY-ND 4.0

« Henri Poincaré à Eugénie Poincaré - Juin 1874 ». La Correspondance De Jeunesse d’Henri Poincaré : Les années De Formation, De l’École Polytechnique à l’École Des Mines (1873-1878). Archives Henri Poincaré, s. d, Archives Henri Poincaré, s. d, La correspondance d'Henri Poincaré, consulté le 26 avril 2024, https://henripoincare.fr/s/Correspondance/item/4442